SFjRO Veille bibliographique N°14 - Février 2015

Voici la quatorzième édition de notre veille bibliographique!

Dans cette édition, vous retrouverez les résumés suivants :

- Résultats préliminaires de l’essai sur l’irradiation partielle accélérée préopératoire dans le cancer du sein, soumis par Hosni Popotte de Caen,

- Radiothérapie hypofractionnée versus radiothérapie conventionnelle pour la prise en charge de patients atteints de cancer de la prostate, soumis par Guillaume Janoray de Tours,

- Surveillance versus radiothérapie adjuvante dans la prise en charge des carcinomes canalaires in situ de bon pronostic, soumis par Alexandre Escande de Lille,

- La curiethérapie améliore la survie sans récidive biologique pour les cancers localisés de la prostate par rapport à un traitement par radiothérapie externe, soumis par Sarah Molina de Poitiers,

-Suppression androgènique seule versus radiothérapie et suppression androgénique dans le cancer de prostate localement avancé, soumis par Paul Lesueur de Caen

Tous les membres de la SFjRO sont invités à participer à cette veille. Vous pouvez proposer vos résumés à l'adresse contact@sfjro.fr. Pour que votre travail soit accepté, il doit être rédigé en respectant la charte éditée par la SFjRO qui se trouve à cette adresse.

Bonne lecture!

Thomas

SEIN

First results of the preoperative accelerated partial breast irradiation (PAPBI) trial

Résultats préliminaires de l’essai sur l’irradiation partielle accélérée préopératoire dans le cancer du sein

Radiotherapy and Oncology

Femke van der Leij , Sophie C.J. Bosma, Marc J. van de Vijver

Auteur du résumé : Hosni Popotte

Contexte : Alors qu’il est établi dans le cancer du sein, que le risque de récidive est maximal au niveau local, l ‘objectif de cette étude est d’évaluer la toxicité et le résultat esthétique d’une irradiation partielle accélérée préopératoire (IPAP) dans les cancers du sein à faible risque de récidive

Méthodes : Au cours de cet essai de phase II multicentrique prospectif, le but est d’inclure 120 patientes. Il s’agit de femmes de 60ans ou plus, présentant un adénocarcinome canalaire infiltrant ≤ 3cm à l’IRM, invasif, unifocal, avec un ganglion sentinelle négatif. Ces patientes ont été traitées par une IPAP, à savoir, 40Gy en 10 fractions sur deux semaines. La résection chirurgicale était réalisée 6 semaines après la chirurgie. Les critères de jugement principaux sont : le contrôle local à 5 ans, la fibrose mammaire et le résultat esthétique.

Résultats : 70 patientes ont été incluses depuis Avril 2010. Elles ont été évaluées avec un suivi moyen de 23 mois. A 1, 2 et 3 ans de suivi, il y avait une fibrose mammaire peu importante, ou dans les meilleurs des cas totalement absente, chez respectivement 89%, 98% et 100% des patientes. Cette fibrose était principalement retrouvée chez les patientes présentant un faible volume mammaire. Le résultat esthétique était de bon, à excellent chez 77% des patientes à 6 mois, puis chez 100% des patientes à un an. Deux d’entre elles ont présenté une récidive locale.

Implication pour la pratique clinique / limites : Les résultats préliminaires de cet essai suggèrent l’intérêt d’une IPAP chez des patientes sélectionnées, permettant ainsi d’obtenir un excellent résultat esthétique, un faible taux de fibrose, avec un taux de récidive qui apparaît jusqu’alors comme acceptable. Les principales limites de cette étude sont, le caractère non randomisé de cet essai et l’effectif relativement faible qui imposent d’interpréter ces résultats avec prudence.

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PROSATE

Hypofractionated versus conventionally fractionated radiotherapy for patients with prostate cancer (HYPRO): acute toxicity results from a randomised non-inferiority phase 3 trial

Radiothérapie hypofractionnée versus radiothérapie conventionnelle pour la prise en charge de patients atteints de cancer de la prostate (HYPRO): toxicité aiguë d'une étude randomisée de phase 3, de non-infériorité.

Lancet Oncology, February 2015

S. Aluwini, F. Pos, E. Schimmel, E. van Lin, S. Krol, et al.

Auteur du résumé : Guillaume Janoray

Contexte :En 2007, nous avons commencé une étude multicentrique randomisée, de phase 3, HYPRO, pour étudier l'effet de la radiothérapie hypofractionnée par rapport à la radiothérapie conventionnelle, en terme de survie sans rechute chez les patients atteints de cancer de la prostate. Ici, nous rapportons les différentes toxicités aigues gastro-intestinale et génito-urinaires.

Matériel et méthodes :Dans cet essai de phase 3, randomisée, de non-infériorité, multicentrique, dans sept centres de radiothérapie des Pays-Bas, nous avons recruté des patients âgés de 44 et 85 ans, atteints d’un cancer de la prostate histologiquement confirmé, de risque intermédiaire ou à haut risque, de stade T1b-T4 NX-0MX-0, avec un PSA < 60 ng/ml et un score OMS entre 0 et 2. Les patients ont été randomisés par internet (1 :1) afin de recevoir soit un fractionnement standard avec 39 fractions de 2 Gy en huit semaines (cinq fractions par semaine) ou une radiothérapie hypofractionnée avec 19 fractions de 3,4 Gy en 6,5 semaines (trois fractions par semaine). La randomisation a été fait avec la procédure de minimisation, stratifiée par centre de traitement et groupe à risque. Le critère principal est la survie sans récidive à 5 ans. Nous rapportons ici les données concernant l'incidence cumulative de toxicité génito-urinaire ou gastro-intestinale, aigue ou tardive, de grade 2 ou plus. La non-infériorité de l’hypofractionnement a été testée séparément pour les effets toxiques aigus génito-urinaires et gastro-intestinales, avec l’hypothèse nulle que l'incidence cumulative de chaque type d'événement indésirable n’était pas 8% plus élevé dans le groupe hypofractionnement par rapport au groupe fractionnement standard. Nous avons relevé les effets indésirables, par examen médical selon les critères RTOG-EORTC et par des questionnaires d'auto-évaluation, au départ, deux fois pendant la radiothérapie, et trois mois après la fin de la radiothérapie. Les analyses ont été effectuées dans la population en intention de traiter.

Résultats :Entre le 19 Mars 2007, et le 3 décembre 2010, 820 patients ont été assignés au hasard à une radiothérapie avec fractionnement standard (n = 410) ou hypofractionnement (n = 410). Trois mois après la radiothérapie, 73 (22%) patients dans le groupe fractionnement standard et 75 (23%) patients dans le groupe hypofractionnement, ont signalé une toxicité génito-urinaire de grade 2 ou plus. Une toxicité gastro-intestinale de grade 2 ou plus a été noté chez 43 (13%) patients dans le groupe fractionnement standard et chez 42 (13%) dans le groupe hypofractionnement. Une toxicité aiguë génito-urinaire de grade 4 a été rapportée pour deux patients, une (<1%) dans chaque groupe. Aucune toxicité aiguë gastro-intestinale de grade 4 n’a été observée. 120 jours après la radiothérapie, nous n’avons noté aucune différence significative dans l'incidence cumulative de la toxicité aiguë génito-urinaire de grade 2 ou plus (57,8% [95% IC (52,9-62,7)] dans le groupe de fractionnement standard vs 60,5% [95% IC (55,8-65,3)] dans le groupe hypofractionnement; différence 2,7%, 90% IC, (-2,99 à 8,48) ; odds ratio [OR] 1,12, 95% IC (0,84-1,49); p=0,43). L'incidence cumulative de toxicité aiguë gastro-intestinale grade 2 ou plus était plus élevé dans le groupe hypofractionnement (31,2% [IC 95% (26,6-35,8)] dans le groupe fractionnement standard vs 42% [IC 95% (37,2-46,9)] dans le groupe hypofractionnement; différence 10,8%, 90% IC, (5,25-16,43); OR 1,6; p =0,0015; non-infériorité non confirmée).

Implication pour la pratique :la radiothérapie hypofractionnée n’était pas non-inférieure à une radiothérapie normo-fractionnée, en terme de toxicité aigue génito-urinaire et gastro-intestinale chez des hommes atteints de cancer de la prostate, de risque intermédiaire ou à haut risque. En fait, l'incidence cumulative de toxicité aiguë gastro-intestinale, de grade 2 ou plus, était significativement plus élevée chez les patients recevant une radiothérapie hypofractionnée.

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SEIN

RTOG 9804: A Prospective Randomized Trial for Good-Risk Ductal Carcinoma In Situ Comparing Radiotherapy With Observation

Surveillance versus radiothérapie adjuvante dans la prise en charge des carcinomes canalaires in situ de bon pronostic : étude randomisée prospective RTOG 9804

Journal of clinical oncology, Janv 2015

Beryl McCormick, Kathryn Winter, Clifford Hudis et al

Auteur du résumé : Alexandre Escande

Contexte : Plusieurs études ont montré le bénéfice de la radiothérapie adjuvante après tumorectomie pour les carcinomes canalaires in situ (CCIS). Depuis, des facteurs de bon pronostic ont été analysés. On recherche à montrer l’intérêt de la radiothérapie adjuvante (RT) pour ces patientes.

Méthodes : Etude prospective menée dans 200 centres entre 1998 et 2006 avec 636 patientes incluses (1790 attendues) présentant un CCIS de bon pronostic comme défini par les auteurs (CCIS unique <2,5cm de bas grade ou intermédiaire, marge > 3mm, âge >26ans…). Randomisation en 2 bras : tumorectomie plus ou moins suivie de RT. Traitement par Tamoxifene possible. Le taux de récidive locale était le critère de jugement principal.

Résultats : Suivi médian de 7,17 ans. 2 rechutes locales dans le bras RT contre 19 dans le bras observationnel. Taux de rechute locale à 7 ans de 0,9% (IC95% 0,0 à 2,2%) contre 6,7% (IC95% 0,03 à 0,47) dans le bras observationnel, HR=0,11 (IC95% 0,03 à 0,47 ; p=0,001). On retrouve dans le bras RT environ 30 % de toxicité tardive grade 1, 4,6% de grade 2 et 0,7% de grade 3.

Implication pour la pratique clinique / limites : Cette étude répond à une des questions laissées en suspens par l’étude SweDCIS (JCO, 2014) concernant les CCIS de bon pronostic. On retrouve un très faible taux de récidive chez les CCIS de bon pronostic comme définis dans l’article, laissant à penser que les critères sont bien choisis. La RT adjuvante réduit significativement le taux de récidive locale même dans le cadre de ces CCIS avec des toxicités à long terme acceptables. Il existe de nombreux biais avec un taux d’événements faibles nécessitant un délai de suivi plus important pour valider totalement cette prise en charge.

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PROSTATE

Brachytherapy Improves Biochemical Failure Free Survival in Low- and Intermediate-Risk Prostate Cancer Compared With Conventionally Fractionated External Beam Radiation Therapy: A Propensity Score Matched Analysis

La curiethérapie améliore la survie sans récidive biologique pour les cancers localisés de la prostate de faible risque et de risque intermédiaire par rapport à un traitement par radiothérapie externe : comparaison par score de propension

Int J Radiat Oncol Biol Phys. 13 janv 2015

Smith GD, Pickles T, Crook J et al.

Auteur du résumé : Sarah Molina

Contexte : Dans les cancers localisés de la prostate de faible risque ou de risque intermédiaire, les patients peuvent être traités par curiethérapie et/ou radiothérapie externe.


Méthodes : Cette étude rétrospective permet de comparer la survie sans récidive biologique (SSRB, critère primaire) et la survie globale (SG) chez les patients avec un cancer de la prostate qui ont été traité par curiethérapie (soit une curiethérapie bas débit à l’Iode 125 LDR-BT, soit une curiethérapie à haut débit de dose par Iridium 192 associée à une radiothérapie externe HDR-BT+EBRT) versus radiothérapie externe seule (EBRT). Les patients sélectionnés ont été traités, de 1994 à 2010, dans 4 centres canadiens. Le score de propension a permis d’apparier les patients selon des facteurs pronostiques équivalents (âge, Score de Gleason, Stade clinique, PSA). Les patients ayant reçu une hormonothérapie ont été exclus.


Résultats : La première cohorte comparait 400 patients avec un cancer de la prostate à faible risque traité par LDR-BT versus EBRT (ratio de 4 pour 1). 77,6% ont reçu une dose de 74Gy en EBRT. La SSRB était significativement meilleure dans le groupe curiethérapie (EBRT vs LDR-BT avec hazard ratio HR = 2.90, p=0.004). Pas d’avantage en SG. La deuxième cohorte regroupait 254 patients avec un cancer de prostate de risque intermédiaire traité soit par LDR-BT soit par EBRT (ratio de 1 pour 1). 73,2% des patients ont reçu une dose supérieure à 79,8 Gy en EBRT. La SSRB était significativement meilleure dans le groupe curiethérapie (EBRT vs LDR-BT avec HR= 4.58, p=0.001). Pas d’avantage en SG. La troisième cohorte était composée de 388 patients et comparait HDR-BT associé à EBRT versus EBRT seule. Le ratio était de 1 pour 1. 69,1% des patients avaient reçu une dose de 79,8 Gy. Pour les patients traités par curiethérapie HDR et radiothérapie externe, les protocoles étaient les suivants : 20 Gy HDR-BT +44 Gy EBRT (49.5%) ; 10 Gy HDR-BT+ 50Gy EBRT (26,8%); 15Gy HDR-BT + 40 Gy EBRT (15%) ; 15 Gy HDR-BT + 44 Gy EBRT (4,6%), etc. La SSRB était également meilleure dans le groupe HDR-BT+EBRT (EBRT vs HDR-BT+EBRT avec HR=2.08, p=0.007). La dose minimum reçue par les patients traités par curiethérapie LDR-BT était de 144 Gy.


Implication pour la pratique : La survie sans récidive biologique (SSRB) semble être améliorée par la curiethérapie (soit bas débit de dose, soit haut débit de dose associée à la radiothérapie externe) chez les patients porteurs d’un cancer de la prostate de risque faible ou intermédiaire comparés à la radiothérapie externe seule. Aucune différence n’a été montrée en terme de survie globale. Dans cette étude, il existe 5 protocoles différents de curiethérapie HDR associée à RTE donc en pratique, il est difficile de choisir le plus pertinent. Le suivi médian des patients traités par HDR-BT+EBRT est plus court (2,7 ans) que celui des patients traités par EBRT seule (6.8 ans). Cela peut expliquer en partie qu’il y ait moins de récidive biologique. Quant aux toxicités des différents traitements, celles-ci ne sont pas abordées dans l’article.

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PROSTATE

Final report of the intergoup randomized study of androgen deprivation therapy plus radiotherapy versus androgene deprivation therapy alone in locally advanced prostate cancer

Analyse finale de l'essai randomisé intergroupe comparant la suppression androgènique seule versus radiothérapie et suppression androgénique dans le cancer de prostate localement avancé.

JCO 2015

Mason MD, Parulekar WR, Sydes M et al

Auteur du résumé : Paul Lesueur

Contexte :Le cancer de la prostate est un des cancers les plus fréquents dans le monde. L'efficacité de l' association de la radiothérapie à la suppression androgénique dans le traitement des cancers localement avancés ( T3,T4 N0 , M0) est maintenant établie . Nous rapportons ici les résultats de l'analyse finale de la plus vaste étude randomisée comparant la radio hormonothérapie à l'hormonothérapie seule.

Matériel et méthodes :Entre 1995 et 2005,1205 patients présentant une tumeur T3,T4 ou T1 ,T2 avec criteres de mauvais pronostic ( PSA>40 ou PSA >20 <40 avec un score de gleason > 8) ont été randomisés entre un traitement par suppression androgénique seule ou une radiohormonothérapie. L'objectif principal de l'étude était de déterminer si l'ajout de la radiothérapie à l'hormonothérapie augmentait la survie globale. La suppression androgénique était obtenue soit par une orchidectomie bilatérale soit par une hormonothérapie par agonistes de la LHRH. La radiothérapie délivrait la dose de 45 Gy sur le pelvis suivi d'un boost de 20 à 24 Gy sur la prostate sur une période totale de 7 à 7,5 semaines. Les objectifs secondaires de l'étude étaient l'évaluation de la toxicité du traitement , la survie sans maladie, le temps jusque progression, et la qualité de vie


Résultats : Six cents trois patients ont reçu une radio hormonothérapie et 602 une suppression androgénique seule. Après un suivi médian de 8 ans, la survie globale dans le bras radiohormonotherapie est de 10,8 ans versus 9,5 ans dans le bras hormonothérapie seule. L'ajout de la radiothérapie mène donc à une réduction de 30% du risque de décès (HR=0,70 IC95% 0,57 à 0,85 p < 0,001. Le taux de décès par cancer de la prostate était également diminué de manière significative (HR=0,46, IC 0,34 à 0,61, p <0,001). Concernant les effets secondaires, la toxicité digestive était augmentée dans le bras radiohormonothérapie, mais la plupart de ces toxicites était de grade 1 ou 2.


Implication pour la pratique :L'analyse finale de cette étude confirme les résultats de l'analyse intermédiaire qui avait fait modifier les pratiques. La radiothérapie lorsqu'elle est ajoutée à l'hormonothérapie améliore la survie globale et spécifique, sans sucroît de toxicité. A noter que les doses de radiothérapie utilisées dans cette étude ne correspondent plus au schéma actuel utilisé (74 à 80Gy), laissant ainsi espérer un bénéfice encore supérieur de la radiohormonothérapie.

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